Le genièvre de Houlle est une eau-de-vie de grains aromatisée au cours de la distillation par des baies de genévrier. Sa particularité tient du choix des céréales : malt d’orge, seigle, avoine ; d’un triple passage en alambic ou triple rectification (voire même d’une quadruple désormais) ; et d’une troisième distillation au plus près du degré de la mise en bouteille. La distillerie Persyn est la dernière à utiliser une méthode traditionnelle et artisanale pour produire son genièvre.
Choix des céréales et broyage
Le goût du produit final tient énormément au choix des matières premières, c’est une évidence. Les céréales utilisées à Houlle proviennent d’un terroir, celui de notre région. Les textes officiels autorisent l’utilisation du seigle, de l’orge, de l’avoine, du blé, du maïs, du sarrasin et de la triticale.
C’est une tradition à Houlle, seules les trois premiers types de grains entrent dans la composition du mélange de base, dont les proportions peuvent changer en fonction des spécialités.
L’orge, il faut le préciser, est de l’orge maltée. C’est à dire que la germination à peine démarrée a été stoppée par déshydratation ou séchage des grains. Cela leur a suffi pour produire une enzyme absolument nécessaire au processus de saccharification dont on va parler.
Le mélange est effectué dans le grenier de la distillerie, au second étage, là même où les sacs de grains sont stockés, dans des proportions qui restent l’apanage des maîtres distillateurs. Puis ils passent dans un concasseur qui va les broyer pour en faire une farine grossière.
Le brassage et la saccharification
Le brassage consiste à mélanger la farine obtenue précédemment à de l’eau chaude. Pour chaque brassin, on utilise 300 kg de grains qui sont amenés dans une cuve, dite cuve-matière, dans laquelle on ajoute de l’eau chaude à 60°C. A cette température, l’amidon se dissout d’autant plus facilement dans l’eau qu’un agitateur brasse constamment le mélange.
Le rôle de l’orge maltée est alors primordial : elle contient une enzyme, la maltase ou amylase, qui, petit à petit au cours du brassage, va permettre de lentement dégrader l’amidon et le transformer en sucres. On se retrouve ainsi au bout de trois à quatre heures en présence d’un moût sucré qui va pouvoir être fermenté.
La fermentation
Toujours dans la cuve matière, la température du mélange est abaissée par ajout d’eau froide. Une fois la température d’environ 30°C atteinte, on peut y ajouter les levures. Ces levures sont des champignons unicellulaires qui utilisent le sucre dans leur métabolisme et rejettent majoritairement du gaz carbonique et de l’éthanol. C’est le processus de fermentation, plus ou moins rapide en fonction de la température.
Dès lors que le moût est ensemencé, la cuve matière est vidée dans une cuve de fermentation proprement dite où le moût sucré va se transformer en trois à six jours, selon la saison, en moût alcoolisé. Fortement dilué, le moût obtenu à la distillerie titre environ à 3° d’alcool, une petite bière en quelque sorte. La cuve de fermentation est alors vidangée dans un alambic.
La distillation
La distillerie de Houlle dispose de deux alambics en cuivre construits à Saint-Omer. Ce sont des alambics traditionnels à feu nu, discontinus et à fond « en cul de bouteille ». Pas de colonnes de distillation, qui si elles donnent la possibilité d’obtenir un fonctionnement continu, de gros débits et un degré élevé d’alcool à moindre coût, privent le produit final d’une bonne partie de ses saveurs. La qualité est à ce prix.
Le principe de l’alambic est simple : il se comporte comme une grosse cocotte minute. Une fois qu’il est fermé, la marmite, appelée cucurbite, est chauffée aux environs de 90°C. Les vapeurs s’élèvent dans le chapiteau et ne peuvent s’échapper que par le haut, par un tuyau coudé que l’on appelle le col de cygne. Elles sont alors amenées dans un serpentin qui baigne dans un grand refroidisseur, ou condenseur, rempli d’eau et situé à l’extérieur du bâtiment. Dès lors, les vapeurs vont refroidir jusqu’à se condenser et le liquide obtenu s’écouler au bout du serpentin où il pourra être récupéré.
La première distillation se fait au sixième, c’est à dire que l’on distille 500 litres sur les 3000 du brassin de départ. Ce premier distillat, appelé flegme, titre donc environ à 18° d’alcool, en fonction des rendements. A l’issue de cette distillation, on ne garde que le cœur de chauffe : les premiers liquides à s’écouler, ou fractions de têtes, sont éliminés car riches en esters, qui ont mauvais goût, et en méthanol, neurotoxique. Idem pour les fractions de queue, qui ne contiennent plus d’éthanol. L’opération sera répétée au cours de la troisième distillation. On vide alors l’alambic, on le nettoie, et l’on recommence jusqu’à obtenir 3000 litres de flegme pour remplir le second alambic.
Le deuxième passage en alambic aboutit à ce que l’on appelle les imparfaits. On récupère alors environ 1500 litres d’un liquide titrant à un maximum de 36° d’alcool. Comme son nom l’indique, il n’est pas suffisamment fin pour être considéré comme un alcool de qualité. Et surtout, il lui manque un ingrédient indispensable, celui qui va donner son nom au produit final : la baie de genièvre.
C’est en effet au cours du troisième passage que l’on va ajouter ces baies que l’on plonge directement dans l’alambic. Elles vont tout simplement y infuser, à la manière d’un sachet de thé, tandis que leurs molécules aromatiques vont être entraînées par les vapeurs et parfumer le genièvre.
L’une des particularités de notre distillerie est de distiller au plus près degré de la mise en bouteille. Comme l’éthanol et l’eau sont deux solvants, leurs vapeurs ne vont pas emmener les mêmes saveurs. C’est ce qui fait le bouquet final de notre genièvre. Néanmoins, les vapeurs d’eau sont plus lourdes, plus longues à distiller, ce qui induit un temps de chauffe plus important. Mais elles sont plus précieuses une fois condensées qu’un simple rajout après une distillation à plus haut degré d’alcool. Encore une fois, la qualité est à ce prix.
Quelques chiffres :
– Pour une distillation d’imparfaits, il en faut six de flegmes.
– Pour une triple distillation de notre genièvre, il en faut deux d’imparfaits, douze de flegmes, donc quinze distillations en tout.
– Pour chaque brassin, on utilise 300 kg de grains.
– Pour une triple distillation, on utilise donc 3,6 tonnes de grains pour un peu moins de 5 kg de baies de genévrier.
– Si l’on met bout à bout une première, une deuxième et une troisième distillation, il faut compter à minima une quarantaine d’heures de chauffe.
Le vieillissement
Le genièvre sorti de nos alambics n’est pas directement mis en bouteilles. Il faut encore l’élever. On parle de vieillissement, de mûrissement, de maturation, d’accomplissement, d’adoucissement… Tant de termes qui désignent et caractérisent le passage en fûts de chêne. Tous les genièvres produits à Houlle sont gardés sous bois au minimum pendant un an, jusqu’à des périodes beaucoup plus longues de plus de vingt ans.
Durant ce temps, ils vont donc mûrir, acquérir de nouveaux goûts issus des échanges avec ce bois et avec l’air. Car si le tonneau est imperméable aux liquides, il reste perméable aux gaz. Le genièvre respire, une partie de l’éthanol s’évapore (c’est ce que l’on appelle la part des anges) et l’oxygène de l’air participe à la complexification des arômes.
Chaque tonneau est unique, en fonction de son âge (plus il est jeune, plus vite il donnera un goût boisé au produit qu’il contient), de sa taille (de 150 à plus de 4000 litres dans notre chai) et du bois dont il est fait. Même l’emplacement d’un tonneau dans une salle a son importance.
C’est alors le travail du maître de chai de surveiller ses fûts, parfois simplement en humant le genièvre, parfois en le goûtant. Il est ensuite possible de mettre directement le genièvre en bouteilles à la sortie du fût, d’en assembler plusieurs afin d’en marier les caractéristiques, de changer un genièvre de tonneau en cours de maturation…
Ce sont ces nombreuses possibilités et résultats différents qui font les caractéristiques de chacune de nos spécialités et la palette de notre gamme.
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